Pour répondre à cette situation, les constructeurs européens ont déjà pris des mesures : ajustement de la production à la baisse des marchés passant par une réduction des stocks significative, des baisses des cadences de production journalière et programmation de jours d'arrêt, réduction des dépenses en matière de recherche et développement et ajustement des coûts de main d'œuvre par l'arrêt de contrat de travail et du chômage partiel.
Mais ces mesures pour s'avérer insuffisante : après un réduction de la production européenne estimée à entre 20 et 27% au dernier trimestre 2008 par rapport à la même période en 2007, l'ACEA prévoit une baisse additionnelle de 15% de la production automobile européenne en 2009 par rapport à 2008, ce qui va alourdir un peu plus le coût de la sous activité pour les entreprises qui exploitent déjà à plein toutes les mesures de flexibilité qui sont mises à leur disposition.
En terme d'emplois directs, l'ACEA s'attend par conséquence à une baisse de 15 à 20% de la main d'œuvre soit entre 150 et 200 000 emplois en moins d'ici la fin de l'année. Mais ces chiffres ne concernent que les constructeurs et si l'on veut prendre en compte l'ampleur de la situation, il faudra aussi additionner les conséquences que cela aura auprès des fournisseurs, des distributeurs et de manière générale tous les partenaires de la filiale automobile.
Dans ces conditions, une intervention rapide, résolue et coordonnée des états et des institutions européennes est une nécessité, compte tenu de l'importance de l'industrie automobile en Europe car elle représente aujourd'hui 6,4% du PIB de l'Union Européenne et 6% de sa population active, soit 12 millions de personnes. Certes, des mesures ont déjà été prises par les pouvoirs publics, de ce point de vue, le gouvernement français a été exemplaire selon Carlos Ghosn, notamment via ses prêts à taux bonifiés aux constructeurs et la prime à la casse qui a déjà eu un impact positif visible sur les commandes de véhicules particuliers en décembre.
Cependant, et même si d'autres états européens ont suivi, l'ensemble de ces dispositions semble aujourd'hui insuffisant, principalement parce que les instituions européennes ont manqué d'initiative pour coordonner les mesures. Selon Ghosn, il est impératif d'agir vite pour assurer la survie de l'industrie automobile française et européenne. Il faut d'abord agir sur le court terme pour lui donner les moyens de traverser cette crise brutale et imprévisible. L'urgence serait donc l'accès aux liquidités et au soutien à la sous activité, un accès au crédit à des taux raisonnable via des prêts à taux bonifié comme cela a été fait aux Etats-Unis étant par exemple vital.
Mais il est aussi indispensable d'harmoniser les mesures et les dispositions fiscales entre les différents états membres. La France est le berceau de l'automobile mais le maintien sur le territoire national de son industrie et son développement à moyen terme suppose un niveau de compétitivité acceptable par rapport à ses concurrents. Si l'on ramenait la France au niveau de la compétitivité de l'Europe de l'Est, par exemple sur la conception et la production, l'ensemble de la filière automobile française dégagerait plus de 3,5 milliards d'euros de valeur supplémentaire, un écart essentiellement lié aux charges sociales et à la taxe professionnelle, sans même parler de salaire.
Pour illustrer son propos, Carlos Ghosn utilisera la statistique suivante : « Prenons une voiture faite par Renault à Flins et la même faite dans l'est européen. La différence de coût entre les deux voitures est de 1400€, soit à peu près 10 à 12% du prix de la voiture. Sur ces 1400€, 400 sont liés aux niveaux de salaire auxquels il n'est pas réaliste de toucher, cette différence de coût entre deux voiture étant de toutes façons gérable. Par contre, il y a encore 1000€ qui viennent de deux choses : la taxe professionnelle payée par le constructeur et le fournisseur, qui représente 250€. Cette taxe, vous ne la payez pas si vous faites construire cette Renault en Turquie ou en Slovaquie. Ensuite, vous avez 750€ qui sont dus au différentiel de charge sociale. C'est à dire qu'aujourd'hui, le made in france est pénalisé de 1000€. Si on arrive à suspendre cette taxe professionnelle et déplacer le reste sur l'ensemble des voitures et pas que sur celles construites en France, une très grande partie du problème de compétitivité sera résolue. »